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Johary Ravaloson
28 février 2012

Journal de Ouessant

Paru dans L'Archipel des Lettres, n° 10, mars 2012, pp.7 - 33

Journal d'une écriture en résidence.

Ouessant, août-novembre 2011.

 

2 août Venu directement d'Antananarivo, j'entame mon tour de veille au sémaphore du Créac'h, au bout d'un monde, entendez, scruter dans la mer, dans les ris du vent, dans les lambeaux de brumes et dans les interstices des rochers, la vie, là-bas, et écrire… J'en rêvais et CALI a accueilli le projet et ma famille. Un sourire tranche de lune collé au visage je ne peux cacher ma joie. Les deux premiers étages sont réservés à la vie familiale. Mon bureau est installé au dernier étage, dans une salle appelée "Chambre de veille". C'est grand, avec une vaste baie qui donne une vue de 270° sur la lande, les bruyères, les roches écumantes et la mer. (Sur facebook je répète que par temps clair, au coucher du soleil, on aperçoit la statue de la liberté ;-) Mais en même temps un serrement au ventre. C'est un peu une folie, venir de si loin et revenir en écriture, prendre de la distance, je projetais, on m'a compris, tout est plus urgent qu'écrire là-bas. D'ici on voit Andravaka, A la télé, la richesse incroyable que recèle la terre et la misère qui souille les hommes. D'ici on voit Andralanitra, Sous les cieux, la déchetterie d'Antananarivo avec ses crève-la-faim que tente de sauver le Père Pédro. D'ici on voit Andrambovoka, Sur la poussière, la colline d'Antananarivo et ces politichiens qui dépouillent le pays avec une feuille de route validée par la communauté internationale. Colère, révolte, impuissance. La récupération est récurrente hélas. Pour un peu, d'ici on verrait Amboredika, Répétez, tout est déjà dit. Et jamais Ambadika, La face B., ny tody tsy misy fa ny atao no miverina, le tody n'existe pas, c'est ce qu'on fait qui revient.

Je vais dire ici ce que vous faites et cela vous reviendra.

Je voulais parler d'Antananarivo, de trois quatre personnes qui vivent là-bas et de ce qu'elles font tous les jours pour vivre dignement. Renverser les images, raconter une histoire de dignité parce que c'est la dignité qui fait l'homme. L'angoisse liée à l'ampleur de la tâche et l'affairement dû à la beauté qui m'entoure se disputent en moi et m'entraînent tour à tour de l'exaltation, l'écriture peut, à l'accablement, no traveller return from the undiscovered country (Hamlet). Je change l'ordinateur de place. Je me promets de ne pas lever la tête toutes les trois minutes. Je déballe mes livres. J'envoie un poke à Sophie et lui dit qu'elle peut quand même monter de temps en temps.

 

3 août Boris Vian " Si je tenais le salaud d'enfant de pute à la graisse de couille de kangourou qui m'a foutu ce nom de Dieu de bordel de merde d'installation... "

Place du 13 mai se dessine. Cette place devant l'Hôtel de ville occupe le cœur de notre histoire moderne, nous nourrit et me fait espérer. Il semble qu'elle imposait au pouvoir une retenue imperceptible, une peur latente du feu qui à tout moment peut le consumer. Place du 13 Mai, on appelle à la contestation : les forces vives se constituent, les gouvernements populaires se forment. Démarrent les défilés pour la démocratie, les prises de ministères et les marches demandant l'abdication du dictateur. On fait une grande messe, on bénit la foule. On est prêt à l'envoyer affronter le diable, le feu, les grenades et les balles. La foule est prête à affronter le diable, le feu, les grenades et les balles. Le foule est déjà en feu, brûle avec l'alcool de la colère et le chanvre des ressentiments anciens. On brûle le passé par honte. On brûle le présent car rien n'a plus de sens. Sauf peut-être cette désespérance, une prise de conscience dont on ne veut retenir que les ravages de sa manifestation. Cela s'est passé comme ça le 13 mai 1972. Les braises couvent sous le bitume, il semble que jamais ne s'éteindront. Une règle tacite a émergé, celui qui fait couler le sang ne peut rester au pouvoir. Au départ, s'établissait en apparence une justice populaire. Puis bien vite les manipulations se faisaient de plus en plus ouvertement. Les politichiens magnifient les sacrifices qualifiés d'abord d'inévitables, puis de nécessaires avant qu'ils ne décident que les morts sont indispensables et les provoquent. Cela s'est passé comme ça en 1991, 2002 et 2009. La Place du 13 Mai, de symbole de la rue, devenait un modèle bien compris de prise de pouvoir par la rue. Car il faut le dire il n'y a pas d'autre moyen, le pouvoir une fois conquis est verrouillé institutionnellement, les élections, c'est connu, se gagnent en les organisant. Aussi pour supprimer tout risque, le dernier arrivé au pouvoir passant bien-sûr par la Place du 13 Mai l'a fait disparaître. Le 10 décembre 2010 lors d'une performance à rendre jaloux le plus conceptuel des artistes contemporains, notre chef d'État le plus jeune du monde, le Président de la Haute Autorité de la Transition (HAT) l'a couverte de marbres avec en son milieu un bassin muni de jets d'eau, lesquels s'illuminent la nuit venue et se colorent en blanc, mauve, rouge, vert ou bleu, une féerie jamais vue dans le pays, et il l'a baptisée Place de l'Amour comptant apaiser ainsi de si vieilles douleurs et un si récent sang versé. Place du 13 Mai, s'indignait-il, plus jamais ça ! Et comme il se méfiait de la réception de la chose par les indigènes dont la plupart n'ont pas l'eau courante, il a entouré l'esplanade de grilles métalliques. L'idée du livre remonte à ce jour. Pour concourir face à ces faits extravagants, je l'ai appelé La lutte pour faire tomber la clôture des jets d’eau devant l’Hôtel de ville. Je rajoute Place du 13 mai car il s'agit aussi de rendre son nom à l'esplanade et de retrouver les rêves qui l'animaient.

Contra : C'est la vie des gens que je veux raconter. Je m'attaque pourtant à un symbole politique, un truc qui dépasse forcément mes personnages. Je veux écrire un roman. Mon seul engagement.

 

4 août en lisant « Ouessant mystérieux » de Maï Sous Dantec et Gwenc'hlan Le Scouëzec.

Je veille à la Tête du monde. Le vent enragé fouette l'écume au large et pousse une marée blanche ruisselante qui confond terre, ciel et mer. Aucune des cinq tours allumées ne perce l'obscurité. Un avertissement. Aucun voyageur, rappellent les guides, surtout pas celui de l'imaginaire, n'échappe au piège de la brume. J'enlève les boules de cire dans mes oreilles et j'en fais une croix. Les cornes mugissent comme jamais. Les anciennes trompettes à manège ont même repris du service. Aux sirènes du Créac'h répondent celles de Men Korn Pern par dessus le fracas sourd de la houle. Le vent hurle et déchire par endroits l'épaisse nappe d'ouate. Dans une trouée de lune blafarde, je surprends des ombres aux manteaux de nuage dansant sur le Porz Men. Le bal infernal annoncerait l'ouverture du port céleste. Le cœur comme un oiseau je traverse la lande broussailleuse. Les bruyères et les korz autour du gué s'enflamment tels des feux follets. Je saute de roche en roche et vole un de ses sept galets à la fontaine du Stankou. Je dépose ma croix de cire à la place. Les embruns me transpercent comme mille griffes acérées. Des langues râpeuses et humides me fouaillent les mollets. Je remonte vers le promontoire. Les monstres longtemps figés dans le roc grondent et s'apprêtent à bondir. Un temps d'un autre temps hante le rivage. Par dessus la Roche des anciens, je scrute Avalon. Les neuf sœurs là-bas ont déchaîné le vent. La mer se soulève. Je sens vibrer le vaisseau de pierre. Le pont du ciel bascule. Je tombe, je me relève. Je reste debout et vacillant. La Tête du monde va s'arracher et je suis du voyage. Par delà mer et terre. Un galet de foudre dans mon poing serré.

 

6 août je cherche un traitement de choc pour garder confiance en l'avenir, en ce qui est déjà en nous et résister alors que tout va à la dérive. Dérèglement climatique, étape avancée. Le monde se décompose. Tombe le mur et ce qui devait protéger écrase. Des individus organisent la fin d'un régime légal, avec des appuis impressionnants. Des valises d'argent s'échangent, se distribuent comme des circulaires dans les bâtiments des ministères, dans les palais de justice, dans les casernes, dans la rue. Des magasins sont pillés méthodiquement après que les forces de l'ordre chargées de leur protection se retirent. Puis en direct à la télé, un sous-officier ordonne à un général de lire sa démission, des soldats brutalisent des hommes d'église et toujours en direct à la télé la conquête du pouvoir par les armes avalisée par des feux d'artifice. Depuis on est en transition. Sous la Haute Autorité de Transition, tromperie, corruption, du tout et du n'importe quoi, des décrets d'un homme seul abolissant des lois (ainsi une Ordonnance de septembre 2010 démet les derniers élus de l'ancien régime, les maires élus en 2007 pour les faire remplacer pas des PDS, Présidents de Délégation Spéciale nommés par la HAT), nomination des 600 voleurs organisés (remplaçant députés et sénateurs élus), accaparement de terres, pillages des réserves nationales, trafics en tous genres (bois précieux, or, pierres et minerais mais également riz, huile, sucre et autres produits de première nécessité), braderie des mines et des gisements, location, vente et déportation d'enfants, et j'en passe. Des policiers louent leurs armes, se louent, tuent, même un magistrat récemment. Des bandes armées rodent dans la brousse, sur les routes nationales entre les mines et la capitale. On ne veut plus écouter les infos mais on veut savoir si des fois ça bouge. En ville, les délestages en électricité obligent la population à s'enfermer dès le crépuscule. Les portes et les fenêtres des maisons d'Antananarivo sont derrière des grilles. Quelques îlots heureux dans la ville produisent leurs propres énergies. Ne sortent des maisons lumineuses que ceux qui ont gardes, chauffeurs et pénètrent dans d'autres bâtiments lumineux également sous bonne garde. Les privilégiés, les Fouz et les Vazaha, les étrangers. Puis la population de la nuit, des prostitués, des hommes seuls et des flics. Des personnages secondaires, des types sans importance qu'on utilise et qu'on jette pour écrire la grande histoire. Je pense écrire sur eux et quand vous m'entendez se lézarde un peu le mur.

 

7 août Antananarivo contrasté. La misère côtoie l'opulence. Arrogance de l'argent. Arrogance mâtinée d'imbécillité des puissants. Débrouille et créativité de la population générale. Infinie religiosité. Culte de la richesse. Attrait de la modernité et nostalgie d'un passé mythique. Relation ambiguë de haine et d'amour avec le vazaha, l'ex-colon, des élites d'Antananarivo, colonisées volontaires, veulent être vazaha à la place du vazaha. Simple rapport de dominant-dominé pour les pauvres gens, pour le reste, tous ceux qui sont riches sont vazaha, s'en méfier. Rapport connu et généralisé dans toute la société. Beaucoup de barreaux à l'échelle sociale. Sous développement persistant depuis l'indépendance et crise après crise. Antananarivo au bord de l'implosion. Ce n'est plus possible de se laver les mains du malheur des autres, de garder sa place au soleil, de demeurer irresponsable et insensible sans récolter la solitude et le vide qu'engendre sa propre inhumanité. Non, ce n'est pas possible, j'ai du piquer cette phrase à Heidegger ou Lévinas. Au milieu d'Antananarivo, entre deux terre-pleins jardinés à la française, sur le parvis du bel hôtel de ville restauré, devant le bassin féérique, les amis du régime HAT – on les surnomme foza orana, les écrevisses, les crabes ou les crabes-écrevisses – se pavanent lors des cocktails du maire PDS derrière les grilles.

 

9 août des personnages naissent. Un trio pour faire tomber la clôture des jets d’eau devant l’Hôtel de ville. Tout d'abord, Niv, un personnage solaire né Place du 13 mai porte le projet. Elle pose la question de Nivoelisoa Galibert (1953-2011), chercheur en littérature, membre de CALI, contributrice de la revue et dédicataire du futur livre, « pourquoi entre Malgaches nous ne nous aimons pas un peu mieux que cela ? » (L'aube en maraude). Je veux retrouver sa colère et abattre la besogne. Niv, elle veut bouleverser les choses et les hommes. Sortir de l'état de nature est une obsession pour elle. « On va le faire parce qu'on peut le faire » dit-elle crânement sur ses nu-pieds.

Le deuxième personnage est Liv. Le chef du service de sécurité de l'Hôtel de ville, pas vraiment véreux mais débrouillard. Il vit seul et s'accommode de sa vie. Il ne supporte pas les postures minables et grandioses des bourgeois d'Antananarivo entre sentiment de supériorité et impuissance. Il pense faire au mieux son travail. Il a l'esprit conciliant et le ressentiment aussi facile que velléitaire. La compréhension vient trop vite ou c'est peut-être la lâcheté, ou plus sûrement encore ce fatalisme atavique qui encourage l'inertie. Il me semble que c'est un trait commun à beaucoup de Malgaches. Nos tyrans tirent leur pouvoir de nos accommodations. Quand je lui explique cela il me dit ne pas faire de la politique, « il assure la sécurité du bâtiment ». Niv va lui présenter un horizon insoupçonné : le choix.

Justin Rabédas est le troisième personnage. C'est le directeur de communication de l'Hôtel de ville et le porte-parole du maire PDS. Il est aussi un amoureux de Niv. Il accepte de jouer avec Niv parce qu'elle incarne le printemps, la possibilité de sortir de sa vie étriquée et de tout réinventer. Rabédas est marié, a des enfants. S'il veut garder sa vie de famille, il n'envisage pas pour autant ses relations avec Niv comme juste un libertinage. Niv n'est pas exigeante. Leurs relations restent secrètes. Bien-sûr pour protéger les enfants et l'épouse légitime mais surtout parce qu'il n'y a aucun espoir dans la société actuelle pour qu'ils puissent les vivre au grand jour.

Puis, il y a le petit chapardeur, un enfant de rue devenu protégé de Niv.

La lutte pour faire tomber la clôture autour des jets d'eau de l'Hôtel de ville d'Antananarivo est une promesse pour Niv, un jeu pour Liv, un cas de conscience pour Rabédas, un accès à de l'eau propre pour le petit chapardeur. Ils changent à partir du moment où ils décident de le faire. Les hommes, me semble-t-il, les deux grands et le petit ont changé depuis qu'ils ont connus Niv.

 

 

18 août, sur France-Inter, à l'Heure Ultramarine, l'animateur Harry Eliazar perce mes derniers retranchements : « Et vous vous dites dégagé !!! »

 

19 août

" And when they 've given you their all,

Some stagger and fall, after all it's not easy

Banging your heart against some mad buggers wall.

 

Et quand ils t'ont tout donné,

Certains chanceler et tomber, après tout ce n'est pas facile

De cogner ton cœur contre certains murs prise de tête. (t.a)

 

Outside the Wall

Roger Waters, Pink Floyd The Wall.

 

20-24 août 13ème salon du livre insulaire. Salon des îles qu'on M. Café littéraire et lectures le samedi, table-ronde le dimanche sur le rôle et l'apport des résidences de création littéraire. Je déclare que c'est ma première résidence d'écriture. Je sais juste ce que j'en attends. Du temps pour écrire, et un peu pour parler de l'écriture. Un lieu pour écrire également. A l'abri de la vie quotidienne. François Bon insiste sur l'autre côté des résidences d'écrivains car à côté de la période de création littéraire existe une période consacrée au public : rencontres, lectures, ateliers d'écriture. Simple contrepartie de représentation, un moment où on est, on se sent, observé. A minorer, à remettre sine die, d'après François, pour ne pas diviser le temps consacré à l'écriture. Je ne cesse pas d'écrire parce que j'ai éteint l'ordinateur. Certes. Plus tard, un jour où mon écran restait fermé et que rodant du côté de la boulangerie à Lampaul, je fus questionné à propos de mon travail : « ça avance ? », j'ai compris que je suis tout le temps en représentation ici. Influe, n'influe pas sur Place du 13 mai ? Je ne sais pas. En tous cas, je vous en parle.

Dimanche après-midi également, le plaisir et la fierté de recevoir à l'intention de mon ami Jean-Luc Raharimanana le Prix du livre insulaire catégorie Poésie pour son livre Cauchemars du Gecko (éditions Vents d'Ailleurs). A l'origine, une écriture au scalpel et un engagement terrible. Mise en scène par Thierry Bédard, la pièce a provoqué une polémique à Avignon en 2009. Respect !

Nulle part ailleurs sauf au Salon international du livre insulaire : lundi après-midi, les compagnons de route de CALI et l'ensemble des primés d'Ouessant depuis 1999, venant d'îles de trois océans, ont décerné à l'unanimité au livre du poète Henry Le Bal et du peintre Yann Queffélec, L'île nue, un prix impromptu et venant du cœur, le prix du livre qu'on M. Par la même occasion, déclarent qu'Ouessant est leur île, qu'ils l'M !

Atelier d’écriture animé par François Bon. Je tourne autour du 13 mai. Un jour une foule en colère s'était réunie devant et a brûlé le beau bâtiment. À ce point précis, Place du 13 mai, on remonte à 1972. L'art de faire des liens de François m'amène à m'interroger sur la légitimité. Pourquoi le 13 mai ? Pour sauvegarder l'origine des choses et des êtres comme l'ont fait les Sorabe, notre première littérature écrite, les fameux manuscrits arabico-malgaches ? Chaque détail du 13 mai devrait me ramener à ma propre histoire qui n'a pas été écrite. Je voulais juste écrire sur ma ville et l'actualité et le dégoût débordent sans cesse dans ma fiction.

 

28 août des nouvelles de Madagascar. Pas bonnes évidemment. Là où je dois être. Horizon défait. Des morts. Un assassinat politique, une ministre, et l'usure du temps qui a abattu un bel arbre. Laurent Babity vivait à Toamasina où il enseignait et collectait des contes qu'il racontait chaque mercredi à la radio. On lui doit le dernier Dodo vole. Il est venu raconter Lekozity et d'autres contes aux élèves qui ont réalisé le livre. C'était en avril. J'étais très fier de le conduire à travers le labyrinthe des préaux de l'école. Je voyais pétiller les yeux des enfants et même ceux des maîtresses. On a sorti le livre ici au salon d'Ouessant et lui, il ne l'a pas vu.

Quant à la ministre, dans ses dernières sorties publiques, Nadine Ramaroson haussait le ton à propos de crimes impunis des tenants du régime. Pédophilie, trafic de bois de rose, corruption à haut niveau, inscription en faux de titres fonciers, accaparement de terres et expulsion illégale des occupants… Au dernier conseil du gouvernement, elle avait reçu une invitation spéciale pour le «Tsolabe», le festival de la baleine. Arrivée le 26 sur l'île Sainte-Marie, elle s’était étonnée d’être seule alors qu’elle pensait y rencontrer plusieurs de ses collègues. Au retour, ce matin, sa vedette s’est retournée à quelques centaines de mètres du rivage et a explosé au moment où les secours arrivaient. Bien-sûr, c'est peut-être une histoire. Ça déborde sur le net. Je ne supporte plus les bavardages ni les colportages. Ni les vindictes ni les insultes. On n'en finira pas. Vaut mieux rouvrir la Place du 13 mai. Consigne : ne pas faire un livre à charge mais qui interpelle les responsabilités ! Et comment ?

 

1er septembre L'histoire s'est figée le temps de musarder dans la lande, de jouer et de regarder jouer les enfants, la vie peut être tellement douce, de discuter avec les Ouessantins qui ont tout leur temps (alors que le mien est compté, quatre mois), de regarder ces lumières filtrées des nuages courant sur la mer et la lande, ces lumières au fond des yeux qui me scrutent, les lumières de la nuit. Les faisceaux du Créac'h tournent au dessus de ma tête éclairant la mer vide. Les nuits blanches succèdent aux journées blanches. Je me dis le plaisir d'écrire comprend aussi celui de ne rien faire. Le temps de regarder et d'attendre. Je voulais devenir écrivain parce que c'est un des seuls métiers qui tolère que l'on rêvasse. Enfant, j'avais un livre de géographie qui disait que les gens dans le sud de Madagascar adorent les zébus et pratiquent un élevage contemplatif. Les feux rouges de la Jument et du Stiff clignotent comme des alarmes. Dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo, dodo...

 

3 septembre Je lis, je lis beaucoup. Me suis efforcé de finir un livre que j'ai acheté pour le titre mais j'ai rien manqué. La ville insoumise. Il s'agissait apparemment de Moscou, je l'ai compris vers la moitié du roman et l'insoumission je ne l'ai jamais vue. Ceci dit, je suis presque à la fin d'un livre de Djian, Impuretés, je n'ai rien lu d'impur. Je démonte ce roman que j'ai apprécié, en cherche le ressort (l'incompréhension entre les êtres), en apprécie la technique de narration (tension d'un bout à l'autre du livre, même dans les choses les plus insignifiantes). Des leçons de maître mais je n'écris pas pour autant une ligne. Antananarivo est très loin du monde de Djian. Ses personnages « ne vivent pas dans un de ces pays d'arriérés où les gens s'entretuent comme ils respirent (qu'est-il arrivé Niv ?) et ne connaissent rien au mal de vivre (pourquoi j'écris ?), au fait d'être bien ou non dans sa peau (et dans ma peau langue ?), au fait de traverser une crise (existe-t-il un bout du tunnel ?) » Voilà. Voilà comment il me fourgue les bonnes questions.

 

7 septembre Les jours défilent. Au hasard des lectures, j'ai rencontré Weihu (Shanghai Baby), je veux que Niv soit comme son héroïne Coco, elle dit ce qu'elle pense et ne fait que ce qu'elle veut. A Antananarivo, on pensera que Niv est folle. De quoi souffre Niv ? Ou tombe-t-on dans la folie pour une autre raison ?

 

8 septembre je me demande s'il a plu, s'il aurait pu pleuvoir le samedi 13 mai 1972 à Antananarivo. Les FRS (Forces Républicaines de Sécurité) tiraient embusquées derrière les fenêtres de l'Hôtel de ville.

 

9 septembre je titre Immersion J-3 sur mon statut facebook.

 

10 septembre je lis Murakami Ryû, Les bébés de la consigne automatique. Comment Hashi a-t-il su pour la consigne automatique ? Une trace de l'état de terreur vécu, impression née de la confrontation de l'imminence de la mort avec la volonté farouche de rester en vie. Antananarivo ce n'est pas l'énergie du survivant, la résilience, mais l'entropie, du grec entropia, « retour en arrière ». En thermodynamique, une dégradation de l'énergie qui se traduit par un désordre toujours croissant de la matière. Mais comme Kikku et Hashi, Antananarivo ne semble pas avoir conscience de ces changements. La ville est persuadée que c'est le monde qui change.

 

12 septembre Je porte ce projet depuis quelque temps mais ce n'est que depuis Ouessant (début août) que les matériaux se précisent, que la bible des personnages s'épaissit et qu'une structure s'élabore. J'entre aujourd'hui dans l'écriture proprement dite. Cela demande une entière disponibilité, une grande concentration mais c'est très excitant car je suis le roi dans mon monde ;-). Au bout de six semaines à Ouessant, je sais comment vivent les berniques et comment certaines finissent écrabouillées contre les rochers par les goélands qui les dévorent.

 

18 septembre Un premier chapitre écrit, un deuxième enclenché, des surprises. Les personnages, on a beau les déterminer, ils n'obéissent pas toujours. Certains s'inventent carrément une vie et m'obligent à me lever avant l'aube pour réaliser la transformation. Hashi, encore Hashi de la Consigne automatique, m'explique l'importance des silences dans les chansons. « Ce sont ces silences qui remuent les souvenirs enfouis ». Placer des silences dans le livre. Et des cornes de brumes ?!!

 

21 septembre Entendu un jour à Ambohijatovo, en sortant du carré des bouquinistes, à l'autre bout de l'Avenue de l'indépendance :

 

" Ho aiza ndray ?

  • Ho er amy Trezy Mey "

 

" Où vas-tu encore ?

  • Là-bas au 13 Mai ".

 

PS : Lors d'un documentaire autour de l'écrivain Philip Roth sur Arte, je comprends qu'inspiration se dit en anglais « magic » !

 

24 septembre

 

25 septembre je surfe sur le net pour être de mon temps, j'apprends des choses qui se sont passées en 2007. Je lis un "manifeste pour une littérature-monde en français", j'en tombe des nues, il faut voir les signatures et les réactions générées. Je ne suis sûrement pas dans le coup. Je clique sur un lien de Dany Laferrière : Les cinq B. de ma vie de lecteur (j'espérais qu'il y aurait ma B. à moi, mais c'était posté en 2007, donc aucune chance ;-). Au troisième B. (Boulgakov), je lis « nous regardions le salaire minimum comme une forme d'accession à l'humaine condition ». Je fais un amalgame avec tout ce que je lis depuis une heure et je veux noter « n'importe lequel de mes textes édités, je le regarde comme certains regardaient le salaire minimum ». C'est fait. Retour au 13 mai.

 

29 septembre Le soleil se lève. Quelques nuages, de la brume sur Cadoran. Les rochers du Créac'h sont magnifiques. Ceux du Pern sont encore dans l'ombre. La lumière d'Ouessant subtilement distillée fait son tour de magie…

Aujourd'hui, première séance d'écriture avec les élèves de 5ème du Collège des îles du Ponant. Je vais leur lire pour commencer une légende japonaise rappelée dans Les bébés de la consigne automatiques. Une jeune fille, ne sachant pas ce qu'elle veut, est transformée par la Reine Akebi, un esprit de la montagne, en statue de pierre qui garde les cols jusqu'à ce qu'elle le sache.

 

3 octobre Cela fait trois jours qu'on a quitté le sémaphore et qu'on a emménagé dans une maison confortable sur la côte sud, à Porsgwen, avec vue sur Molène. Je me sers d'une chambre comme bureau, j'écris sur une table de repassage amovible, une centrale à vapeur qui me porte directement Place du 13 mai. Au dessus du fer à repasser je glisse sur les dalles de marbre pour trouver l'accès vers les machines, suivre les interstices, et voici, une vérité saillit, brise, explose les pompes, gerbe de la lessiveuse de corruption baptisée Place de l'Amour : les grilles même très discrètes ne conviennent pas du tout à la place. Je relis Rainer Maria Rilke (Lettres milanaises) "Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement, quelque part ; c'est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour y naître après coup, et chaque jour plus définitivement."

 

7 octobre escapade hors de l'île pour le salon de la 25ème heure du Mans. Je me promets de revenir Place du 13 mai avec plus d'opiniâtreté. Je redoute la douleur, la frustration, l'incroyable colère, la frayeur peut-être qui fera comprendre que n'importe quoi (Place du 13 mai) vaut mieux que supporter ça une minute de plus.

 

12 octobre retour du Mans où j'ai signé 17 livres. Un décès. Rester suffisamment longtemps à un endroit (70 jours) et assister à un enterrement.

 

13 octobre Pleine lune auréolée de nuages laiteux au dessus de la maison de Porsgwen. Filer la brume, saisir les échos du vent et construire des scènes sur le vide de la mer. Au fil des jours, des liens se tissent entre les personnages et l'intrigue s'esquisse et se dérobe. Mon inappétence pour le réel augmente au fur et à mesure de mon immersion dans la fiction.

 

20 octobre De retour d'un dîner chez les Le Bal où Henry m'a parlé de fraternité, d'une certaine idée de la littérature, remonter le fleuve, me dit-il. La chanson facétieuse de Taj Mahal trotte dans ma tête. Remonter vers la source. Le délire m'a fait du bien. Contempler les étoiles dehors quand tout le monde regarde les stars à la télé.

 

22 octobre Le paon face au dragon A la mairie Rencontre littéraire autour de mon Géotropiques et lecture. La question de l'engagement revient. J’écris pour accepter la vie telle qu’elle est, pour que la vie, les gens, moi-même (!) m’acceptions tel que je suis, avec mes contradictions, ma complexité, mes questions. Puis, il y a aussi le plaisir de l'imaginaire et l'amour de l'art… je veux qu'on apprécie mes livres avant d'approuver les belles causes que je défends. Je sais par ailleurs que je fais la roue avec des mots, ça tourne quand on sait lire.

 

30 octobre Misy fotoanany ny zavatra rehetra. Toute chose a son temps. Ça devrait aller un peu plus vite quand j'aurai répondu à pas mal de questions. Quand j'aurai décidé de quitter ma chair de pierre et que je quitterai les cols pour gravir la montagne ou descendre en ville. J'écoute la B.O. de Kill Bill, je pense que la voix de Niv devrait ressembler à Bang Bang. He shoote me down, Bang Bang, I hit the ground, Bang Bang...

 

1er novembre Retrouvailles autour des tombes fleuries de Lampaul. C'est un peu mon équinoxe. Encore autant de temps passé au-delà des mers et retour sur la terre des ancêtres. Ambatofotsy. Une dizaine de kilomètres au nord de la ville. Avec ceux de la branche de ma mère on se retrouve tous les ans devant le caveau familial. Après le pique-nique dans la cour du temple, avec les cousins on fait le tour des hauts murs de terre rouge et on s'installe sur l'herbe folle devant la maison de pierres froides, quatre fois plus grande en dessous. Au milieu des jeux et des cris des enfants on se fait une tontine et on se partage des enveloppes (pour ceux qui viennent de naître, ont eu un diplôme, ont changé de classe, ont été hospitalisés, baptisés, mariés ou pendus, pour toutes les circonstances, pour les vieux pour les féliciter d'être encore en vie, il me reste deux oncles une tante et trois belles tantes des six couples de la fratrie ;-). On parle de la cherté de la vie, des biens familiaux qu'on pourrait peut-être mieux exploiter au bénéfice de tout le monde, des enfants, des entraides à développer notamment pour l'éducation des enfants, des fleurs mauves de jacarandas qui couvrent Antananarivo. On rigole aussi pas mal. Il y a toujours un bout-en-train dans une famille. Chez nous, c'est mon cousin Elie. Là, il charrie une cousine qui lui sert à boire. Ampio ! dit-il. Ce qui selon le temps de latence entre p et i veut dire « c'est assez » ou « un peu plus » ! On ne parle pas de politique, le cas échéant les épouses s'interposent assez vite. Entre-temps, d'autres personnes aussi sont venues se recueillir. Certaines avec des fleurs. Je reconnais quelques têtes mais la plupart pas du tout. On se salue sobrement mais cordialement. Un groupe aussi nombreux que le nôtre arrive. On les salue également et on leur laisse la place. Dans les dédales des hauts murs de terre, jusqu'au parking, Elie fait rire notre petit cortège, même ma tante qui a perdu son mari cette année. Tandis que les voitures s'éloignent, je reprends mon vélo pour Porsgwen, de la terre rouge sous les chaussures.

 

2 Novembre temps de faire face à la question Qu'est-ce que Ouessant apporte à mon écriture ? Dans dix jours, à la mairie de Lampaul aura lieu la soirée littéraire qui va dévoiler mon travail actuel. On parle de « naissance d'un texte ». C'est prévu, bien-sûr, cela fait partie du lot Résidence d'écriture que j'ai accepté, mais reste un peu gênant. Dans l'ancien temps dans les Hautes Terres, de peur du mauvais sort, on cachait le nouveau-né avec sa mère. Chez les Zafimaniry ainsi jusqu'à maintenant, dans un lit haut et fermé entièrement couvert de nattes. On n'annonçait la naissance que quelques jours plus tard lorsqu'on en était bien sûr. Et surtout on ne donnait le nom que six mois après. On disait auparavant Mon crapaud bouilli, Mon chatounet, Ma petite crotte. Ici lorqu'on me demande je dis je travaille alors que visiblement je suis à parcourir les landes et les grèves, les rayons de la bibliothèque, de Spar ou plus souvent encore de la boulangerie. Et là, il faudrait que j'en parle et même faire lecture de quelques extraits. D'un livre qui n'existe pas. Ô Niv, Liv, Justin Rabédas, Héry Mafdak, où êtes-vous ?

 

7 novembre Par la lucarne de mon bureau, je vois un ornitho tout en vert marcher au dessus des falaises de Porsgwen. Je distingue sur son dos un sac trépied photo avec le gros téléobjectif déjà appareillé dessus. Il marche vite. Probablement pour se réchauffer. Cet homme consacre une partie de sa vie, de son argent, de sa santé (lorsqu'on voit par quel vent il reste dehors) pour venir en cette saison sur cette île regarder des oiseaux en migration. Je viens d'une île, une terre au milieu des flots. Ici, je suis au milieu des flots et je tangue entre le réel et le fiction. À peine une ligne sous les pieds. « Héry pris d'une rage inexplicable montant inexorablement de ses entrailles, se mit à secouer les grilles qui l'empêchaient d'accéder à la fontaine ». Une porte dans l'imaginaire et laisser exister la Place du 13 Mai. Ouessant m'offre un point de vue inhabituel sur ce qui nous lie. Un point de vue pour se situer. Un point de vue qui me servira d'amer quand je rentrerai à Antananarivo. Justin Rabédas bat la semelle sur les dalles de marbre de l'Hôtel de ville. Je distingue la fausse marque qu'il arbore sur la manche de sa veste. Il marche vite. Il court presque. Pas pour se réchauffer. Rabédas court pour l'argent. Comme nombre d'entre nous il n'a que des tarifs en bouche, des prix à payer, à faire payer, billets à fourrer dans la poche, les clés de la Hummer comme objectif derrière les fausses lunettes Ray Ban. La folie nous guette sinon occupe déjà nos têtes. Rabédas prépare les journées nationales du nucléaire, oui oui, pour le mois de décembre. C'est l'été, le soleil tape dur sous la brise des Hauts-Plateaux. Les fabricants de réacteurs n'attendent que les commandes. Les financeurs croiseront des financements. Rabédas aura le 4x4 et les études universitaires en France pour ses enfants. Le PDS aura des parts dans la Compagnie nucléaire. Et moi, j'aurais aimé parler des jacarandas. Au fond, comme le dit Walter Benjamin, "la seule garantie d'une vision juste est d'avoir choisi sa position auparavant".

 

11 novembre demain improviser un rituel d'alafaditra pour conjurer le sort avant de lire des extraits de Place du 13 Mai. Un texte qui avance.

 

12 novembre Et tout d'un coup écrire devient un défi mystique. Je fais tout à l'envers, j'ai dit. Pour venir jusqu'à vous, je regarde au fond de moi et au bout de longs mois, quand j'ai bien bien ficelé ma petite crotte adorée, j'attends une semaine avant de la faire lire à ma correctrice préférée, puis je la redore encore, puis j'envoie une bouteille à la mer, du côté de Saint-Germain, et j'attends un temps relativement long. Si ça mord, j'arrive au bout d'un temps relativement court là devant vous et on en discute. Dans une résidence d'écriture, je suis déjà là. Dans les cas d'inversion comme celui là on doit prévenir… Je prends une feuille blanche et avec mon briquet sur lequel figure Ouessant je la brûle. Quand elle s'est entièrement consumée, je commence la lecture. Il me semble que tout Ouessant me suit dans les artères d'Antananarivo. Un texte qui marche ;-)

 

16 novembre. Viens de finir B(r)aises de Joëlle Ecormier. Un bon coup. Pas envie de travailler. Je sors. Un méchant grain, un vent hargneux, un froid qui mord, voilà de quoi me conforter. Demain, la dernière séance d'atelier au collège.

 

18 novembre Caresser le cercle magique. L'écrivain Nicos Vlandis, résident permanent de l'île, pense traduire en grec Géotropiques. Samedi, à l'issue du dévoilement d'un bout de Place du 13 Mai, il m'a dit ce sera ton dernier livre spécifiquement sur Madagascar. Selon Milan Kundera, « le romancier n'a quelque chose à dire que s'il se trouve dans le cercle magique des quelques thèmes qui l'ont traumatisé et qu'il veut explorer jusqu'au bout. Un jour il l'épuisera et fermera boutique. Mais cela n'aura rien à voir avec le lieu où il habite. Ni avec la langue dans laquelle il écrit ». Bon, on verra. Pour l'instant, il faut continuer.

 

20 novembre Faire provisions de lumières, de beauté et de bonheur pour continuer. Pour s'en sortir je n'ai que le travail. La paix n'arrive qu'après l'écriture.

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